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Les travaux qui se penchent sur l’expérience de divers groupes opprimés identifient plusieurs problématiques au niveau de la qualité et de l’accessibilité des toilettes publiques. Sont entendus par groupes opprimés non seulement les personnes itinérantes, les personnes qui consomment des drogues illégales et les personnes trans ou non-binaires dont l’expression de genre ou le corps ne correspond pas à la norme, mais également les personnes âgées, malades ou vivant un handicap.  

Une culture du témoignage tarde à se concrétiser autour de l’expérience sociale des toilettes en contexte urbain, notamment par un ensemble d’émotions, telles que la solitude, l’anxiété, la joie, la peur, le sentiment d’insécurité ou d’appartenance. Ces paysages affectifs où les personnes peuvent donner sens à leur identité, résister à l’isolement, développer des routines familières en fonction de leurs zones de confort, du degré de tolérance ou d’acceptation des autres citadin·nes, de ce qu’elles trouvent beau, etc. Ce cadre pose la question des récits inédits sur comment on « habite » les toilettes publiques et ce qui nous inscrit sensiblement dans ce lieu? 

Défis : La cohabitation sociale avec les groupes marginalisés 

Réfléchir sur l’accès et l’usage des toilettes donne à voir non seulement dans quel contexte la réponse aux besoins de base de tout un chacun·e peut se manifester, mais surtout comment les toilettes deviennent un révélateur de ruses, de stratégies et de discours polarisants : l’accès aux toilettes est bloqué pour certaines populations car il est jugé que leurs usages des lieux est «défectueux»; le non-recours aux toilettes par ces populations engendre davantage de problèmes de cohabitation sociale et l’augmentation de l’hostilité, comme le phénomène du «Pas dans ma cour!» et le mythe du «prédateur». Comment les populations marginalisées peuvent-elles donc exister dans l’espace public? Comment mieux cohabiter avec elles? 

Pour en savoir plus sur les enjeux de cohabitation à Montréal, consulter la synthèse des connaissances ici

Pratique : Assemblée à l’Agora du Pavillon Judith-Jasmin  

Le 13 avril 2023, le comité cohabitation de l’École de travail social a organisé une assemblée de type midi-causerie à l’Agora du pavillon Judith-Jasmin de l’UQAM sur le thèmes de l’accès aux toilettes. L’activité a été proposée dans la foulée d’une décision prise par d’installer des lecteurs de carte d’identité à l’entrée de plusieurs toilettes du rez-de-chaussée pour en limiter l’accès aux personnes itinérantes qui fréquentent le campus. L’objectif de la discussion n’était pas de trouver des solutions mais plutôt d’ouvrir le dialogue et de faire avancer les réflexions dans un esprit d’ouverture et d’écoute.  

Un panel d’intervenant.es ont exprimé à tour de rôle leurs points de vue :  

  • « Les toilettes et la sécurité : mise en contexte », Normand Larocque, Service de la prévention et de la sécurité 
  • « La perspective étudiante », Valérie Boucher, École Supérieure de Théâtre  
  • « Les toilettes en contexte de protection », Nathalie Plante, École de travail social 
  • « La perspective d’une femme de la rue », Annie Archambault, RAP Jeunesse 
  • « Les toilettes comme lieu d’intimité », Véronic Lapalme, Université de Montréal  
  • « Les réponses communautaires », Alexandre Barthelot, CACTUS Montréal. 

Les courtes présentations ont donné lieu à des échanges en plénière avec l’assistance dont la taille grossissait au fur et à mesure de la discussion. L’Agora étant un espace ouvert le public qui passait par là avait l’opportunité de s’arrêter et de participer. La confrontation des points des vues s’est faite dans le respect, malgré quelques différends. Certains pensent qu’il pourrait y avoir des intervenant·es de proximité sur place pour amenuiser les risques et répondre aux questions des personnes qui utilisent les toilettes. D’autres pointent du doigt les idées reçues concernant les personnes en situation d’itinérance qui ne sont pas en adéquation avec leurs multiples réalités.  

Animée par les professeures Maria Nengeh Mensah et Isabelle Ruelland de l’École de travail social, la rencontre peut être visionnée ici. 

Recherches en cours  
L’EXPÉRIENCE SOCIALE DES TOILETTES PUBLIQUES DANS VILLE-MARIE: ENJEUX, AFFECTS ET STRATÉGIES D’INCLUSION DES PERSONNES MARGINALISÉES, 2024-2027 

La recherche projet a pour but de mieux comprendre la façon dont les personnes marginalisées par l’itinérance, la consommation de drogues ou l’expression de genre, vivent et investissent les toilettes publiques, et les rapports de pouvoir dont elles font l’objet. Les rapports de pouvoir à l’intérieur desquels ces populations sont prises sont au cœur de cette enquête, puisqu’ils se jouent trop souvent en leur défaveur, s’attaquant à leur dignité, à leur droit à la ville, ainsi qu’à leur droit d’utiliser l’espace public. Au terme du projet, nous aurons contribué à l’avancement des connaissances sur les pratiques et stratégies d’inclusion sociale. Nos objectifs sont de : (1) explorer l’expérience sociale des toilettes publiques en milieu urbain du point de vue des personnes marginalisées; (2) analyser les enjeux auxquels ces personnes sont confrontées lorsqu’elles ont recours aux toilettes publiques d’une manière utilitaire, stratégique et affective; et (3) cerner, avec des personnes marginalisées, comment mettre en place des espaces et des pratiques plus inclusives et sécurisantes, et faire connaître leurs recommandations.  

L’équipe est financée par le CRSH et composée de : MN Mensah, C Grimard, O, Vallerand, I Ruelland et le RAPSIM, en collaboration avec JA Roberge, J Bourdages, C Chesnay et Cactus-Montréal.