
Une culture du témoignage tarde à se concrétiser autour de l’expérience sociale des toilettes en contexte urbain, notamment par un ensemble d’émotions, telles que la solitude, l’anxiété, la joie, la peur, le sentiment d’insécurité ou d’appartenance. Ces paysages affectifs où les personnes peuvent donner sens à leur identité, résister à l’isolement, développer des routines familières en fonction de leurs zones de confort, du degré de tolérance ou d’acceptation des autres citadin·nes, de ce qu’elles trouvent beau, etc.
Ce cadre pose la question des récits inédits sur comment on « habite » les toilettes publiques et ce qui nous inscrit sensiblement dans ce lieu?
Réfléchir sur l’accès et l’usage des toilettes donne à voir non seulement dans quel contexte la réponse aux besoins de base de tout un chacun·e peut se manifester, mais surtout comment les toilettes deviennent un révélateur de ruses, de stratégies et de discours polarisants : l’accès aux toilettes est bloqué pour certaines populations car il est jugé que leurs usages des lieux est «défectueux»; le non-recours aux toilettes par ces populations engendre davantage de problèmes de cohabitation sociale et l’augmentation de l’hostilité, comme le phénomène du «Pas dans ma cour!» et le mythe du «prédateur». Comment les groupes marginalisés peuvent-ils donc exister dans l’espace public? Comment mieux cohabiter avec elles·eux?
Pour en savoir plus sur les enjeux de cohabitation sociale à Montréal, consulter la synthèse des connaissances ici
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L’EXPÉRIENCE SOCIALE DES TOILETTES PUBLIQUES DANS VILLE-MARIE: ENJEUX, AFFECTS ET STRATÉGIES D’INCLUSION DES PERSONNES MARGINALISÉES, 2024-2027
La recherche a pour but de mieux comprendre la façon dont les personnes qui vivent des situations de marginalisation dans le quartier investissent les toilettes publiques (cf. itinérance, consommation, drague, sexualité, LGBTQI2+, diversité corporelle ou capacitaire), et les rapports de pouvoir dont elles font l’objet.
Objectifs
- explorer l’expérience sociale des toilettes publiques en milieu urbain du point de vue des personnes marginalisées;
- analyser les enjeux auxquels ces personnes sont confrontées lorsqu’elles ont recours aux toilettes publiques d’une manière utilitaire, stratégique et affective; et
- cerner, avec des personnes marginalisées, comment mettre en place des espaces et des pratiques plus inclusives et sécurisantes, et faire connaître leurs recommandations.
Méthodes
- Comité aviseur : Un comité formé de citoyen·nes expert·es permet d’établir une relation de concertation réflexive et continue avec des personnes concernées par l’accès à l’espace public. Impliquées à toutes les étapes du projet, le comité participe à l’interprétation des données (photos, observations, entretiens) et émet des recommandations pour le développement de lieux et de pratiques plus inclusives et plus sécurisantes.
- Enquête photographique et observations : Une enquête photographique permet de documenter les espaces physiques des toilettes publiques dans Ville-Marie, ainsi que les traces des différents usages qui en sont faits par les diverses populations qui les fréquentent. Les observations permettent de documenter l’achalandage, les actions et interactions in situ, à chaque saison de l’année et à différents moments de la journée.
- Entrevues marchées : Une séries d’entrevues individuelles marchées permettent de documenter le point de vue des personnes marginalisées sur des éléments de leur expérience des toilettes publiques, notamment en termes des sentiments d’inclusion, de sécurité et de respect. Les personnes interviewées auront aussi l’occasion de prendre des photos des éléments qui sont significatifs pour elles, et ainsi contribuer à leur tour à l’enquête photographique.
Retombées anticipées du projet
- Recommandations transmises aux décideurs politiques pour favoriser et améliorer les sentiments d’inclusion, de sécurité et d’être respectées des personnes marginalisées
- Communications et diffusions des résultats tout au long du projet à la communauté scientifique
- Exposition photo destinée au grand public
L’équipe de recherche
Chercheure principale
- Maria Nengeh Mensah, Professeure, École de travail social, UQAM
Cochercheur.es
- Carolyne Grimard, Professeure, École de travail social, UdeM
- Isabelle Ruelland, Professeure, École de travail social, UQAM
- Annie Savage, Direction générale, RAPSIM
- Olivier Vallerand, Professeur, École de design, UdeM
Collaborations
- Alexandre Berthelot, Directeur des services communautaires, CACTUS-Montréal
- Jade Bourdages, Professeure, École de travail social UQAM
- Catherine Chesnay, Professeure, École de travail social, UQAM
- Jérémie Lamarche, Organisateur communautaire, RAPSIM
- Tsanta Sen Chen, Organisatrice communautaire, RAPSIM
Personnel étudiant
- Julie Deslandes-Leduc, Adjointe de recherche, Étudiante au Doctorat en travail social, UdeM
- Jeanne Roberge, Adjointe de recherche, Étudiante à la Maitrise en sexologie, UQAM
- Just Massicotte, Adjoint.e de recherche, Étudiant.e à la Maitrise en travail social, UQAM
- Frédérique Duchesne, Assistante de recherche, Étudiante au baccalauréat en travail social, UQAM
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2023 : Assemblée à l’Agora
Le 13 avril 2023, le comité cohabitation de l’École de travail social a organisé une assemblée de type midi-causerie à l’Agora du pavillon Judith-Jasmin de l’UQAM sur le thèmes de l’accès aux toilettes. L’activité a été proposée dans la foulée d’une décision prise par d’installer des lecteurs de carte d’identité à l’entrée de plusieurs toilettes du rez-de-chaussée pour en limiter l’accès aux personnes itinérantes qui fréquentent le campus. L’objectif de la discussion n’était pas de trouver des solutions mais plutôt d’ouvrir le dialogue et de faire avancer les réflexions dans un esprit d’ouverture et d’écoute.
Un panel d’intervenant.es ont exprimé à tour de rôle leurs points de vue :
- « Les toilettes et la sécurité : mise en contexte », Normand Larocque, Service de la prévention et de la sécurité
- « La perspective étudiante », Valérie Boucher, École Supérieure de Théâtre
- « Les toilettes en contexte de protection », Nathalie Plante, École de travail social
- « La perspective d’une ‘femme de la rue’ », Annie Archambault, RAP Jeunesse
- « Les toilettes comme lieu d’intimité », Véronic Lapalme, Université de Montréal
- « Les réponses communautaires », Alexandre Barthelot, CACTUS Montréal.
Les courtes présentations ont donné lieu à des échanges en plénière avec l’assistance dont la taille grossissait au fur et à mesure de la discussion. L’Agora étant un espace ouvert le public qui passait par là avait l’opportunité de s’arrêter et de participer. La confrontation des points des vues s’est faite dans le respect, malgré quelques différends. Certains pensent qu’il pourrait y avoir des intervenant·es de proximité sur place pour amenuiser les risques et répondre aux questions des personnes qui utilisent les toilettes. D’autres pointent du doigt les idées reçues concernant les personnes en situation d’itinérance qui ne sont pas en adéquation avec leurs multiples réalités.
Animée par les professeures Maria Nengeh Mensah et Isabelle Ruelland de l’École de travail social, la rencontre peut être visionnée ici.