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Coconstruire éthiquement, des exemples pratiques…

PHOTOREPORTAGES – « CHEZ NOUS, C’EST CHEZ TOI : UNE ÉTUDE EXPLORATOIRE SUR LE LOGEMENT ET LE VIH AU QUÉBEC », UNIVERSITÉ D’OTTAWA

Chercheur.e.s

  • Hélène Laperrière, École des sciences infirmières, Université d’Ottawa
  • Ricardo Zúñiga, École de service social, Université de Montréal

www.ruor.uottawa.ca/handle/10393/23912

Public ciblé

Les huit pairs assistant.e.s de recherche (PAR) vivant avec le VIH/sida ayant participé à la recherche.

État du projet

Projet de deux ans (2011 à 2012).

L’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL

Avant

Nous nous sommes rencontrés durant sept mois à raison d’une fois par mois pour échanger sur les photoreportages préparés par les PAR, en lien avec leurs expériences antérieures sur le logement et le VIH.

Les coordinations des Maisons d’hébergement communautaire participantes identifient les PAR vivant avec le VIH qui seront invités à participer. Par souci éthique, on invite les PAR ayant vécu dans la maison d’hébergement, mais qui n’y vivent plus pour éviter la coercition.

Deux PAR participent au Comité de travail du groupe de recherche. Ils donnent leur opinion quant aux méthodes de cueillette et d’analyse utilisées. Ces méthodes s’inspirent de l’éducation populaire, une approche de recherche.

Pendant

Un repas communautaire est servi avant les ateliers collectifs dans la maison d’hébergement qui nous accueille. Les ateliers collectifs sont des rencontres de l’ensemble du groupe (8 PAR, 4 intervenant.e.s, 2 directrices, 1 facilitateur de recherche, 1 agent de recherche). Lors de ces ateliers les photoreportages sont présentés, discutés et analysés. C’est aussi un moment pour prendre collectivement une décision quant à l’orientation de la prochaine question devant être explorée par le photoreportage. Ils sont appelés « ateliers » pour leur potentiel de renforcement des capacités et d’apprentissage par l’interaction au cours du processus de recherche.

Les PAR participent à un premier atelier collectif dans lequel les objectifs de la recherche sont présentés ainsi que les enjeux éthiques du projet. Nous discutons de l’importance d’une confidentialité rigoureusement respectée par les PAR mais aussi par le personnel des maisons d’hébergement participantes. L’établissement de relations égalitaires fonde la base de notre éthique collective.

Une présentation illustrée décrit les points importants du formulaire de consentement. Les PAR posent leurs questions sur la méthodologie et le type de participation demandée. Ils signent le consentement en présence d’un témoin de leur maison d’hébergement qui doit aussi signer.

Pour la cueillette des données, nous avons opté pour l’enregistrement des rencontres car cette méthode aide à mieux décrire le contenu des échanges. Il n’y a pas de verbatim comme tel, mais les notes sur les témoignages recueillis durant les ateliers collectifs sont détaillées. Les résumés d’atelier sont envoyés à l’ensemble des PAR par courriel. Les informations identifiantes (ex : noms) sont retirées.

Les PAR choisissent 3 photos pour présenter leurs expériences sur une thématique préalablement choisie ensemble. Les chercheurs respectent leur choix.

Un.e intervenant.e de la maison d’hébergement participante agit comme accompagnateur des 2 PAR. L’accompagnateur.trice aide le ou la PAR pour la présentation de son photoreportage en groupe et réalise ensuite une rétroaction.

Les PAR expliquent le sens que leurs photos a pour eux. Les présentations en groupe sont des occasions pour partager des expériences personnelles passées ou actuelles, qui donnent lieu à des échanges riches avec les autres PAR.

Tous les participant.e.s aux ateliers collectifs signent le formulaire de consentement à la confidentialité et à l’anonymat mais ils sont aussi prévenus de l’impossibilité, pour les chercheur.se.s, d’assurer l’entière confidentialité de ce qui est partagé en groupe.

Lors de l’avant-dernier atelier collectif, les PAR se rencontrent seuls pour échanger sur ce qui peut être publié à partir des résultats et sur la manière de présenter ce contenu. Ils échangent entre eux sur les thématiques qui les concernent et les touchent davantage. Un.e PAR agit comme animateur.trice et la rencontre est enregistrée.

Durant les dîners communautaires précédents les ateliers collectifs nous en profitons pour faire un retour sur le vécu durant le mois. Nous abordons l’expérience et le déroulement des ateliers passés ainsi que les sentiments et défis rencontrés dans le projet. Ces dîners créent un climat de confiance informel et intime propice à l’échange et au témoignage à l’intérieur du groupe.

Après

À la fin des ateliers collectifs, nous faisons un retour sur l’expérience de la rencontre et du témoignage par le photoreportage. Tous les participant.e.s (PAR, intervenant.e.s accompagnateurs.trices, coordinateurs. trices de maisons, chercheur. se.s, assistant.e de recherche universitaire, facilitateurs.trices) peuvent s’exprimer. Nous décidons de la prochaine thématique ensemble.

Une liste d’envoi courriel permet d’échanger rapidement des informations entre nous et facilite la communication entre les différents sites participants. Les personnes témoins reçoivent les notes prises lors de la dernière rencontre (données de recherche) afin qu’ils puissent faire des commentaires ou apporter des modifications.

Tous les participant.es reçoivent les données finales brutes de la recherche et le rapport illustré. Ils et elles participent à un diner-réunion pour célébrer la fin du projet de recherche. C’est un moment catalyseur.

Un lancement public du rapport illustré (photoreportages) est organisé pour diffuser le résultat du travail des PAR.

LES DÉFIS RENCONTRÉS

Avec les médias ?

Lors d’un forum, un des PAR a témoigné dans la salle en petit groupe, il a dévoilé son statut séropositif. Mais devant la caméra des médias, il s’est présenté seulement comme assistant de recherche du projet. Cela illustre bien à quel point le dévoilement public dans les médias comporte des risques qui contribuent à freiner des personnes qui dévoilent pourtant leur statut dans d’autres contextes.

Avec les personnes témoins ?

Les PAR sont préoccupé.e.s par l’idée de témoigner publiquement de leur expérience et d’ainsi dévoiler leur statut séropositif. Lors de la dernière rencontre collective, ils discutent de ce sujet à nouveau. Ils expriment des craintes, car ils ont déjà eu l’expérience de témoigner dans le passé. Leur situation a changé et ils craignent, notamment, que de nouveaux témoignages publics puissent avoir des répercussions sur leurs proches.

Il y a eu des discussions au sujet du fait que les PAR puissent accepter de présenter ouvertement leur expérience de participation dans le projet devant des publics cibles (conférences VIH, réunion avec gestionnaires, etc.). Cependant la majorité a réaffirmé des craintes et a ressenti une pression. Un PAR a fini par affirmer qu’il n’avait rien à perdre et qu’il allait témoigner. Finalement, les chercheur.se.s se sont opposé.e.s aux témoignages publics en expliquant qu’ils se sentaient responsables des risques de représailles suite au témoignage.

Respecter la dignité de l’individu dans la démarche d’accompagnement social au témoignage c’est…

  • Adapter le processus de recherche de telle sorte qu’il soit le plus inclusif possible des personnes directement concernées par la prise de décision.
  • Créer une atmosphère égalitaire entre chercheur.se.s et participant.es afin de faciliter leur expression dans l’espace collectif de participation.
  • Payer les PAR chaque mois en fonction du temps de travail accompli, de telle sorte qu’ils et elles se sentent libres de participer ou non selon leur condition physique. Ils.elles sont assuré.e.s que leur absence ne nuira pas à la
    recherche.
  • Adapter la méthodologie et les approches (éducation populaire) de telle sorte que tous les participant.e.s vivant avec le VIH potentiel.les puissent avoir accès au travail rémunéré de PAR malgré leurs limites en termes d’écriture
    et de maîtrise de l’informatique.
  • Laisser les PAR décider des thématiques à explorer dans le cadre du projet de recherche. Nous évitons les questions et les thématiques avec lesquelles ils.elles ne se sentent pas à l’aise.
  • Respecter les critères reconnus pour la recherche auprès des Premières Nations, Métis et Inuit.

Enjeux éthiques et de solidarité

Nous avons respecté les thématiques choisies par les PAR pour leurs photoreportages sur le logement et VIH. Par exemple, alors qu’un intervenant insistait sur l’importance de certaines questions les PAR ont pour leur part refusé de travailler sur cette thématique : « Pour le moment, je ne me sens pas capable de parler de ça… ». Les chercheur.se.s doivent tenir compte du potentiel de malaise qu’engendrent des questions portant sur des thématiques qui apparaissent anodines ou non compromettantes, car elles représentent une lourde charge émotive pour les personnes interviewées.

Notre solidarité se manifeste de différentes façons :

  • Nous nous soucions du vécu des personnes participantes et nous évitons les questionnaires.
  • Nous adaptons les outils de collecte et d’analyse de données, de telle sorte que les PAR puissent participer activement à ces phases.
  • Nous offrons un espace dans lequel les PAR peuvent donner leur opinion sur le processus de recherche, la continuité et l’utilisation des données et des résultats.
  • Nous offrons un emploi reconnu et valorisant à des participant.e.s vivant avec le VIH/sida plutôt que de simplement les utiliser comme source de données. Le fait d’offrir un emploi rémunéré et reconnu par une université contribue à
    augmenter l’estime de soi des participants, surtout ceux qui avaient longuement vécu l’itinérance et la
    désaffiliation sociale.