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La culture du témoignage est en toile de fond de l’histoire et des cultures LGBTQI2+. En Amérique, un mouvement vers la libération par le témoignage a institué une « sortie du placard » collective au 20e siècle. Aujourd’hui, bien que les personnes lesbiennes, gaies et bisexuelles ont obtenu une égalité juridique avec le reste de la population au Québec et au Canada, il reste encore du chemin à faire contre la discrimination et pour l’inclusion. Les préjugés et la stigmatisation sont encore présents. Et si la criminalisation des personnes de minorités sexuelles ou de genres n’est plus effective, elle est encore présente dans de nombreux autres pays. 

Face à ces réalités, les personnes s’identifiant à une minorité sexuelle ou de genre, ici et ailleurs dans le monde, utilisent le témoignage dans des buts de démystification, d’éducation, de sensibilisation, de luttes politiques et de justice sociale. Les usages et les pratiques du témoignage sont multiples et la définition du témoignage ne fait pas l’unanimité à travers les différents groupes et organismes.

Défis : Diversité des formes pour se dire publiquement et inclusion

Les usages, la diffusion et les impacts perçus du témoignage ne sont pas uniformes à travers différents groupes. Les voix trans et queer, par exemple, restent toujours relativement invisibles et les voix intersexes commencent tout juste à émerger. 

La très grande diversité de formes de témoignage complique leur production et leur réception. 

  • Le format et le contenu des témoignages diffèrent en fonction des personnes et des groupes qui les produisent (ateliers de démystification en milieu scolaire, témoignages accompagnant une action politique, entrevue médiatique, campagne, etc.). 
  • Le support matériel est aussi très varié : zines, essais, poésie, blogues, article, livre, à l’oral, vidéo, numérisé, etc. Cette pluralité de médias utilisés permet d’amplifier les voix de ceux et celles qui n’ont pas accès à des espaces institutionnalisés ou qui demeurent invisibles dans l’espace public. 
  • Lorsque le témoignage est livré en direct et devant un groupe, la personne témoin a le sentiment d’avoir un plus grand contrôle sur le message véhiculé que lorsqu’elle livre un témoignage en différé et pour un média journalistique. 
  • Le témoignage peut prendre une forme plutôt personnelle, plus distanciée ou théorique. 

Les pratiques de témoignage suivent une forte tendance à se conformer à la norme pour se rendre intelligible. Il existe souvent un découpage problématique entre les « bonnes » et les « mauvaises » personnes témoins. Ainsi, certaines personnes peuvent avoir l’impression de ne pas pouvoir participer à des activités de témoignage car leurs styles ou leurs réponses ne cadrent pas dans le format attendu. Une question clé demeure : qui a la possibilité de témoigner ? Cette question soulève plusieurs enjeux intracommunautaires puisqu’il y a des groupes qui sont plus facilement acceptés que d’autres. Qui peut parler (et qui n’est pas entendu) ? Qui passe mieux socialement ? Comment démystifier la diversité sexuelle et de genre sans renforcer les préjugés ? Comment transmettre les enjeux spécifiques ?

En pratique : L’important travail du GRIS-Montréal 

Le Groupe de recherche et d’intervention sociale de Montréal (GRIS-Montréal) existe depuis 1994, mais ses origines remontent à sept ans plus tôt, alors que Jeunesse Lambda, un organisme d’entraide créé par et pour les jeunes LGBTQ+, identifie un important besoin d’information chez les 13-16 ans en questionnement quant à leur orientation sexuelle. Pour répondre à cette large demande, un comité d’intervention sociale est mis en place pour organiser des interventions sous forme de témoignages dans des classes d’écoles secondaires. Ainsi, la mission de cet organisme communautaire est de favoriser une meilleure connaissance des réalités homosexuelles et bisexuelles et de faciliter l’inclusion de la diversité, des gais, lesbiennes, bisexuels et bisexuelles dans la société. Réalisées majoritairement dans les écoles secondaires, cégeps, maisons de jeunes et centres jeunesse, les interventions de l’organisme sont données sous forme de témoignages livrés en classe, par des bénévoles spécialement formés pour répondre aux questions des jeunes.L’œuvre Une histoire à la fois a été présentée à l’exposition Témoigner pour Agir. Elle montre le travail effectué par l’organisme à l’aide de photos et de récits. Sa réalisation a été possible grâce à la participation de plusieurs bénévoles du GRIS-Montréal. L’installation met en lumière les échanges privilégiés qui ont lieu entre les bénévoles qui témoignent en classe et les groupes scolaires visités. D’un côté, il y a les bénévoles de l’organisme qui défont, une histoire à la fois, les préjugés sur l’homosexualité et la bisexualité. De l’autre, il y a des portraits de personnes rencontrées lors des ateliers. Au milieu de ces différents visages, des citations de bénévoles et de participant·es, recueillies par le biais des questionnaires distribués au début et à la fin de chaque témoignage. Elles soulignent l’impact social du travail du GRIS.


Recherches antérieures
Voix intersexes 

La culture du témoignage des personnes intersexes regroupe et permet de faire circuler des histoires inédites qui ont une chose en commun selon l’artiste Ins Kromminga (2021 : 7) : « elles sont racontées par des personnes qui ont survécu à des malheurs et à des mauvais traitements, qui ont trouvé la force d’écrire leur histoire et de partager comment être intersexe a déterminé leur vie ». Pour en savoir plus, consulter les travaux suivants : 

Politique des corps, politique du langage : sourditudes et positions intersexes en dialogue, Séminaire du 21 mars 2017, coanimé par Véro Leduc et Janik Bastien Charlebois, professeures à l’UQAM.