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Au cœur de la démarche, les personnes vivant avec le VIH (PVVIH)

La coproduction d’un témoignage public pour qu’elle soit solidaire et éthique, doit être réalisée avec la pleine participation des personnes vivant avec le VIH [PVVIH] et le respect de leurs droits fondamentaux. Cette section regroupe deux instruments politiques qui placent les PVVIH au coeur de la démarche, ainsi qu’un exemple d’accompagnement social mis en oeuvre par la COCQ-SIDA.

PARTICIPATION DES PERSONNES VIVANT AVEC LE VIH 

Connu sous le vocable principe GIPA pour principe de la participation accrue des personnes infectées ou affectées par le VIH/sida, GIPA « vise à garantir aux personnes vivant avec le VIH l’exercice de leurs droits et de leurs responsabilités y compris leur droit à l’autodétermination et à la participation aux processus de prise de décisions qui affectent leur propre vie. »

CONTEXTE

Près de 40 millions de personnes dans le monde vivent avec le VIH. Dans des pays comme le Botswana, le Swaziland et le Lesotho, ces personnes représentent un quart, voire davantage, de la population totale.

Les personnes vivant avec le VIH ont les mêmes droits que tout autre être humain y compris celui d’avoir accès à tous les services nécessaires, à l’égalité quel que soit leur genre, à s’autodéterminer, et à participer à toute décision affectant leur qualité de vie et enfin de ne subir aucune discrimination.

Tous les gouvernements nationaux et les grandes institutions du développement se sont engagés à atteindre les huit objectifs du Millénaire pour le développement et notamment à réduire de moitié l’extrême pauvreté, à stopper et à inverser le cours de l’épidémie de VIH et à garantir une éducation primaire pour tous d’ici à 2015. GIPA – une participation accrue des personnes vivant avec le VIH – est primordial pour stopper et inverser l’épidémie ; et dans bien des pays inverser l’épidémie est aussi primordial pour réduire la pauvreté

QU’EST-CE QUE GIPA ? 

GIPA n’est ni un projet, ni un programme. C’est un principe qui vise à garantir aux personnes vivant avec le VIH l’exercice de leurs droits et de leurs responsabilités y compris leur droit à l’autodétermination et à la participation aux processus de prise de décisions qui affectent leur propre vie. Ce faisant, GIPA vise également une meilleure qualité et une plus grande efficacité de la riposte au SIDA. L’idée que des expériences personnelles pouvaient modeler la riposte à l’épidémie a été avancée pour la première fois à Denver en 1983 par des personnes vivant avec le VIH. Le principe GIPA a été formalisé lors du Sommet de Paris sur le SIDA en 1994 lorsque 42 pays se sont engagés à « soutenir une plus grande participation des personnes vivant avec le VIH/SIDA à tous les niveaux [et] à stimuler la création d’un environnement politique, juridique et social favorable à la lutte contre le SIDA ».En 2001, 189 États Membres des Nations Unies ont intégré le Principe GIPA dans la Déclaration d’engagement sur le VIH/SIDA. La Déclaration politique sur le VIH/SIDA de 2006, adoptée à l’unanimité par 192 États Membres lors de la Réunion de haut niveau sur le SIDA, encourage également une plus grande participation des personnes vivant avec le VIH.


PARTICIPATION DES PERSONNES VIVANT AVEC LE VIH

  • Élaboration et mise en œuvre des programmes : Les personnes vivant avec le VIH apportent leurs connaissances et leurs compétences pour atteindre l’objectif de l’accès universel grâce à leur participation à la gouvernance des organisations mondiales telles que l’ONUSIDA et le Fonds mondial et à la conception, la mise en oeuvre, le suivi et l’évaluation des programmes de prévention, de traitement, de prise en charge et de soutien ou de recherche.
  • Leadership et soutien, établissement de réseaux et partage : Les personnes vivant avec le VIH prennent la tête de groupes d’entraide ou de réseaux qui apportent un soutien, recherchent des ressources extérieures, encouragent la participation de nouveaux membres ou simplement partagent avec les autres leur expérience personnelle.
  • Traitement – extension et préparation : Les personnes vivant avec le VIH favorisent l’accès et la préparation aux traitements en en faisant connaître les différentes options, les effets secondaires et les problèmes d’observance ; elles comptent parmi les soignants à domicile et dans la communauté.
  • Définition des politiques : Les personnes vivant avec le VIH participent à l’élaboration et au suivi des politiques liées au VIH à tous les niveaux.
  • Sensibilisation et plaidoyer : Les personnes vivant avec le VIH demandent une réforme de la loi, veulent être parties prenantes à la recherche et militent pour l’accès aux services, au traitement, au soutien et à la prise en charge, ainsi que pour la mobilisation de ressources en vue d’une aide à leurs réseaux et d’une riposte élargie.
  • Campagnes et prises de parole : Les personnes vivant avec le VIH prennent la parole lors de campagnes, d’événements publics et en d’autres occasions.
  • Santé personnelle : Les personnes vivant avec le VIH s’occupent activement de leur propre santé et de leur propre bien-être. Elles jouent un rôle actif pour tout ce qui concerne les traitements, l’auto-éducation, les infections opportunistes, l’observance et la prévention positive.

POURQUOI LE PRINCIPE GIPA? 

Les personnes vivant avec le VIH ont fait directement l’expérience des facteurs qui rendent les individus et les communautés vulnérables à l’infection par le virus – et une fois infectées elles ont connu les maladies liées au VIH et les stratégies pour combattre celles-ci. Leur implication dans l’élaboration et la mise en œuvre des programmes, dans les prises de décisions, améliorera la pertinence des programmes, l’accueil qui leur est fait et leur efficacité. Mesurer le degré d’implication des personnes vivant avec le VIH dans les politiques n’est pas facile et ne relève pas d’une science exacte. Néanmoins des expériences ont montré que les chances de succès sont plus grandes lorsque les communautés sont pleinement impliquées dans la sauvegarde de leur bien-être. GIPA veille à ce que les personnes vivant avec le VIH soient des partenaires à part entière et combat des postulats simplistes – et erronés – entre « les prestataires de services » (qui ne vivent pas avec le VIH) et « les bénéficiaires de services » (qui vivent avec le VIH).

L’engagement des personnes vivant avec le VIH est d’une urgence croissante lorsque les pays intensifient leur riposte nationale au SIDA pour atteindre l’objectif de l’accès universel à la prévention, au traitement, à la prise en charge et aux services de soutien.

Les bénéfices de GIPA se font sentir à plusieurs niveaux. Au niveau de l’individu, l’implication renforce l’estime de soi, donne meilleur moral et atténue l’isolement et la dépression et enfin améliore la santé en informant mieux quant aux soins et à la prévention. Au sein des organisations, la participation des personnes vivant avec le VIH peut modifier les perceptions et aussi donner accès à des connaissances et à des expériences enrichissantes. Aux niveaux social et communautaire, la participation publique des personnes vivant avec le VIH, en donnant à celles-ci un visage, peut atténuer les peurs et les préjugés et faire apparaître ces personnes comme des membres productifs qui apportent leur contribution à la vie sociale.

Déclarer ouvertement son statut séropositif au VIH combat les mythes et les idées reçues concernant le virus et les personnes vivant avec le VIH. Révéler son statut peut être un processus libérateur s’il s’opère dans le refus de la honte et de l’auto stigmatisation. Les personnes vivant avec le VIH peuvent avoir besoin d’aide pour le gérer et choisir à qui, quand et comment révéler son statut. Toutefois cette révélation peut aussi renforcer les préjugés, contre les homosexuels, par exemple, ou les préjugés raciaux. GIPA n’exige pas cette révélation publique du statut sérologique et ne signifie pas « sans visibilité, pas de participation ». GIPA vise une « implication significative » non pas une participation de pure forme.

LES OBSTACLES AU PRINCIPE GIPA

Les organisations et réseaux de personnes vivant avec le VIH sont au centre de l’application du principe GIPA mais ils doivent faire face à bien des difficultés. Celles-ci, de leur point de vue, tiennent à une gestion insuffisante, à un manque de compétences, aux contraintes financières, à la difficulté de représenter toute la diversité des personnes vivant avec le VIH, au manque de documentation sur leur histoire et sur leur habilitation et à l’absence d’évaluation des succès et des échecs. L’énergie que demande la simple survie, y compris la lutte pour avoir accès aux traitements contre le VIH et les infections opportunistes, au soutien et à la prise en charge, jointe à l’insécurité financière, constitue aussi un obstacle important à l’implication des personnes vivant avec le VIH dans leurs propres organisations et réseaux.

Il y a également bien des obstacles sur le plan sociétal à l’application réelle de GIPA ; certains ont leur source dans la pauvreté, les inégalités entre les sexes, l’homophobie et d’autres formes de préjugés. Les personnes vivant avec le VIH doivent souvent affronter la stigmatisation et la discrimination qui leur barrent l’accès aux services, les privent de moyens d’existence et les empêchent en particulier de s’impliquer dans des organisations de personnes vivant avec le VIH ou d’y jouer un rôle de premier plan. Le fardeau est encore plus lourd pour ceux qui appartiennent à des populations marginalisées. Le rejet par la famille, les amis, la communauté, la discrimination par les agents des services de santé, sur le lieu de travail et dans les écoles, sont des instances fréquentes. Il y a régulièrement des incidents violents à l’égard des personnes vivant avec le VIH. Dans certains pays, les lois traditionnelles sur les successions font porter un poids supplémentaire aux femmes après le décès d’un partenaire – elles doivent alors quitter leur terre et leur foyer. Dans de nombreux pays, il n’existe pas de lois contre la discrimination qui protègent les personnes vivant avec le VIH ni de politiques adaptées sur les lieux de travail ou, si elles existent, elles ne sont pas appliquées.

POLITIQUE 

Aucune institution ne peut à elle seule couvrir toute la gamme des besoins des personnes vivant avec le VIH : il doit donc se créer des partenariats entre les acteurs. Pour permettre aux personnes vivant avec le VIH de s’engager activement, l’ONUSIDA demande instamment à tous les acteurs de veiller à ce qu’elles aient pour ce faire toute latitude et tout le soutien nécessaire.

Les gouvernements, les agences internationales et la société civile doivent :

  • Établir et mettre en place des objectifs minimum et en assurer le suivi en matière de participation aux instances de décision des personnes vivant avec le VIH, notamment les femmes, les jeunes et les populations marginalisées.
         Les processus de sélection devront être étendus, clairs et démocratiques.
  • Impliquer, et cela dès le départ, les personnes vivant avec le VIH dans la définition des priorités de financement et dans le choix, la conception, la mise en oeuvre, le suivi et l’évaluation des programmes liés au VIH

L’ONUSIDA RECOMMANDE EN OUTRE LES ACTIONS SUIVANTES

À l’intention des gouvernements

  • Intégrer le principe GIPA dans le Plan national de lutte contre le SIDA. Entreprendre une vaste enquête qui mesure l’application de GIPA, la stigmatisation et la discrimination et inclure GIPA dans le dispositif national de suivi et d’évaluation.
  • Permettre aux personnes vivant avec le VIH de faire valoir leurs droits et d’exercer leurs responsabilités en instaurant un climat politique et juridique qui les protège de la violence et de la discrimination.
  • Renforcer le dialogue politique public sur le VIH, créer et promouvoir des occasions d’éducation et d’emploi ainsi que des activités génératrices de revenus ; encourager l’adoption de politiques sur les lieux de travail dans les secteurs formel et informel qui respectent les recommandations de l’Organisation internationale du Travail.
  • Aider à la création et à la consolidation d’organisations de personnes vivant avec le VIH en prenant en compte leurs besoins en matière d’infrastructures, de gouvernance, de gestion, de mobilisation des ressources, de responsabilité et de renforcement des compétences.
  • Renforcer les capacités en matière de prise de parole et de communication des personnes vivant avec le VIH qui se portent volontaires pour assumer un rôle de leader, organiser et conduire une politique de sensibilisation, de dialogue et de négociation, concevoir des programmes, suivre et évaluer l’action aux niveaux local, national et régional.
  • Donner les moyens de former et d’employer des personnes vivant avec le VIH à l’auto-prise en charge, à la prévention – en particulier à la prévention positive – et faire en sorte qu’elles soient reconnues comme parties prenantes dans les décisions concernant leur traitement (informations en matière d’observance thérapeutique) ; en tant qu’agents de soins à domicile et communautaires et impliquées dans tous les aspects pratiques, juridiques et sociaux du VIH, dans le conseil et les campagnes de lutte contre la stigmatisation. Faire en sorte que soient adoptées des mesures raisonnables propres à faciliter l’emploi des personnes vivant avec le VIH.
  • Assurer un soutien psychologique et social aux personnes vivant avec le VIH qui, en révélant leur statut sérologique, risquent de subir, ainsi que leur famille, une discrimination.
  • Promouvoir dans la communauté et sur les lieux de travail une meilleure compréhension des vulnérabilités liées au VIH et une meilleure connaissance des besoins des personnes vivant avec le VIH.

« LA PARTICIPATION ET LA CONTRIBUTION DES PERSONNES VIVANT AVEC LE VIH EST L’UN DES MEILLEURS EXEMPLES D’UN PROGRÈS MONDIAL EN MATIÈRE DE SANTÉ PUBLIQUE. NOUS SOMMES PARTIS D’UNE SITUATION OÙ LES PERSONNES VIVANT AVEC LE VIH ÉTAIENT LAPIDÉES À MORT À LA SITUATION PRÉSENTE OÙ NOUS SOMMES INVITÉS À ÉLABORER AVEC LES LEADERS DE CE MONDE LES POLITIQUES INTERNATIONALES. IL Y A ENCORE UN LONG CHEMIN À PARCOURIR MAIS NOUS AVONS FAIT UN PAS HISTORIQUE ET DES PROGRÈS DONT NOUS POUVONS ÊTRE FIERS. »
Gracia Violeta Ros, Présidente du Réseau national bolivien de personnes vivant avec le VIH

À l’attention des organisations de personnes vivant avec le VIH

  • Établir et organiser avec les autres organisations et réseaux de personnes vivant avec le VIH un terrain d’action commun et exiger d’être présentes dans les instances de décision.
  • Veiller à ce que le principe GIPA soit pleinement actif et respecté dans les organisations et que l’on y favorise sans exclusive et dans la diversité la prise de responsabilité par des groupes tels que les femmes, les jeunes et autres groupes vulnérables.
  • Encourager des spécialistes, en particulier parmi les personnes vivant avec le VIH, à s’impliquer dans la lutte en mettant leurs compétences au service des organisations et réseaux de personnes vivant avec le VIH.

À l’attention de la société civile au sens large et du secteur privé

  • Intégrer le VIH au sein des préoccupations centrales des organisations, notamment en élaborant et en mettant en œuvre des politiques spécifiques sur les lieux de travail.
  • Instituer des procédures d’application de GIPA à tous les niveaux de l’entreprise, y compris le recrutement de personnes compétentes vivant avec le VIH dans l’encadrement supérieur et dans les conseils d’administration.
  • Engager et consacrer des ressources financières pour assurer le développement organisationnel, y compris les capacités de leadership, de gestion et de gouvernance des organisations et des réseaux de personnes vivant avec le VIH.
  • Travailler en partenariat avec d’autres organisations gouvernementales ou non gouvernementales et des réseaux de personnes vivant avec le VIH dans le domaine du plaidoyer, de la mise en place de services et tous autres domaines pertinents.

À l’attention des partenaires internationaux

  • Fixer des priorités aux initiatives, appuyées par un financement accru, prévisible et durable, pour renforcer et maintenir la capacité des organisations et des réseaux conformément à l’estimation de leurs propres besoins.
  • Soutenir les efforts faits pour garantir leurs pleins droits aux personnes vivant avec le VIH, en particulier les femmes, les jeunes et les populations vulnérables.
  • Promouvoir les bonnes pratiques, les alliances stratégiques, les échanges d’information entre organisations et réseaux de personnes vivant

Les décideurs politiques parlent

L’Honorable Lediana Mafuru Mng’ong’o, Membre du Parlement, République-Unie de Tanzanie ; Présidente de la Coalition des Parlementaires africains contre le VIH/SIDA et de la Coalition des Parlementaires tanzaniens contre le SIDA (TAPAC)

Les personnes vivant avec le VIH doivent être aux avant gardes de la riposte parce qu’elles vivent jour après jour avec le VIH. Vous ne pouvez planifier pour elles ; vous devez planifier avec elles ! Les leaders politiques doivent se battre pour les droits des personnes qui vivent avec le VIH en promulguant des lois, en inscrivant dans les budgets les programmes qui leur viennent en aide mais aussi en prenant la parole d’une façon qui « normalise » le VIH. Aujourd’hui près de 80% des parlementaires tanzaniens s’acquittent de leur cotisation à la Coalition des Parlementaires tanzaniens contre le SIDA (TAPAC) que je préside. L’un des objectifs de la TAPAC est de garantir, au sein du Parlement et hors du Parlement, le respect des droits des personnes vivant avec le VIH et de leur famille. La TAPAC veut s’assurer que les fonds attribués à la lutte contre le VIH atteignent bien les communautés qui en ont besoin et ne se perdent pas en chemin. La TAPAC pratique ce qu’elle prône et s’entoure en permanence de conseillers et de conseillères vivant avec le VIH, organisant régulièrement des tables rondes et des débats. Des membres de la TAPAC rencontrent des personnes vivant avec le VIH au sein de leurs instances et encouragent publiquement le principe GIPA. En conséquence, les personnes qui déclarent publiquement leur statut sérologique sont de plus en plus nombreuses en Tanzanie. Si nous voulons gagner la bataille contre le VIH, il nous faut la pleine participation des personnes vivant avec le VIH. Dans le même temps, les personnes vivant avec le VIH doivent rester unies, renforcer leurs organisations et parler d’une seule voix pour influer sur les décideurs politiques et imposer GIPA dans la réalité.

Le Dr Isadora Yerasilova, Directrice générale, Centre républicain du SIDA (Programme national SIDA), Kazakhstan

La majorité des personnes qui vivent avec le VIH au Kazakhstan sont des consommateurs de drogues injectables, des professionnel(le)s du sexe et leurs partenaires. La loi et l’opinion publique ne sont pas favorables à ces groupes et nous avons noté que ces populations n’auraient pas accès aux services de santé offerts par le gouvernement. Pour surmonter cet obstacle, on a reconnu comme décisifs le partenariat et le soutien des personnes vivant avec le VIH. Aujourd’hui notre planification stratégique aux niveaux local et national dans les processus de suivi et d’évaluation implique des personnes vivant avec le VIH. Dans les faits, nous poussons les personnes vivant avec le VIH à exiger des comptes auprès des autorités locales. L’opinion publique continue à poser problème. Nombreux sont ceux qui s’indignent que des ressources publiques soient affectées à des actions en faveur de consommateurs de drogues et de professionnel(le)s du sexe. Des attitudes aussi déplacées freinent la participation des personnes vivant avec le VIH à la riposte au SIDA. Bien des personnes vivant avec le VIH ont un faible niveau d’instruction et cela aussi les empêche de s’exprimer clairement. Nous avons néanmoins repéré divers partenaires et les avons aidés à développer leurs compétences personnelles et institutionnelles afin qu’ils prennent part à l’action et fassent entendre leur voix. Lentement mais sûrement, nous entrevoyons le succès. A Temirtau, la ville d’Asie centrale qui connaît la plus vaste épidémie de VIH, les effets de l’infection ont été atténués pour de nombreuses familles et un nombre croissant de personnes acceptent ouvertement leur statut, ce qui améliore la compréhension générale et réduit la stigmatisation.

DÉCLARATION QUÉBÉCOISE DES DROITS ET RESPONSABILITÉS DES PVVIH

« LA PANDÉMIE DU SIDA EST UNE CRISE DES DROITS DE LA PERSONNE. »

Irene Zubaida Khan, secrétaire générale d’Amnistie internationale 15 juillet 2004 – XV conférence internationale sur le sida, Bangkok

La déclaration québécoise des droits et responsabilités des PVVIH résulte de la réflexion d’un comité ad hoc composée uniquement de PVVIH de même que d’observations quotidiennes dans le cadre du programme Droits de la personne et VIH/sida et du service VIH info droits de la COCQ-SIDA. Ces observations, les décisions des tribunaux et les résultats de différents sondages démontrent que la discrimination envers les PVVIH est bien présente dans la société québécoise.
 
Elle est une prise de parole de PVVIH ainsi qu’une prise de position politique dépassant – voire, dénonçant – l’état actuel du droit et elle revendique clairement l’égalité de tous et toutes devant la loi et les institutions québécoises, quel que soit le statut sérologique des personnes. Dès 2007, cet exercice s’avérait primordial afin de contrer la montée de la discrimination vécue par les personnes vivant avec le VIH ainsi que la très lourde tendance canadienne à la criminalisation du risque de l’exposition au VIH, et ce, malgré les différentes déclarations internationales soulignant l’inefficacité d’une telle réaction à la pandémie et le danger d’isoler davantage les personnes qui vivent avec le VIH.

PRÉAMBULE

CONSIDÉRANT que depuis l’apparition du VIH et du sida au début des années 80, des milliers de personnes ont été infectées par le virus au Québec, et que plus du tiers d’entre elles en sont décédées ;

CONSIDÉRANT que la présence du virus dans la société québécoise nécessite une réponse concertée et engagée des milieux communautaires, scientifiques et du secteur de la Santé et des Services sociaux ;

CONSIDÉRANT que la discrimination envers les personnes vivant avec le VIH (« PVVIH ») est un phénomène mondial auquel la société québécoise n’échappe pas ;

CONSIDÉRANT que le virus touche souvent des personnes déjà marginalisées par la société et vulnérables, et que le VIH/sida est en soi une source de préjudices et de discrimination ;

CONSIDÉRANT que chaque personne est la première responsable de la protection de sa santé ;

CONSIDÉRANT qu’il est injustifié d’infliger plus de responsabilités aux PVVIH qu’à l’ensemble de la population québécoise ;

CONSIDÉRANT que les PVVIH font face à de nombreux obstacles dans l’exercice de leurs droits fondamentaux ;

CONSIDÉRANT que la discrimination envers les PVVIH est parfois sournoise, souvent agressive et érigée en système ;

CONSIDÉRANT que la criminalisation de l’exposition au VIH tend à imposer plus de responsabilités aux PVVIH qu’au reste de la population ;

CONSIDÉRANT qu’un groupe de PVVIH a convenu, lors du forum « Entre-nous » de 2007, d’élaborer une déclaration des droits et responsabilités des PVVIH spécifiquement québécoise, qui s’inscrit dans le sillage des nombreux principes adoptés par plusieurs instances internationales telles l’ONUSida, Amnistie internationale et la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ;

Nous, personnes vivant avec le VIH, organismes communautaires, institutions du milieu de la santé et personnes concernées par la réaffirmation sans équivoque d’un contrat social basé sur le respect des droits de toutes et de tous, adoptons à la lumière de ces principes la présente Déclaration des droits et responsabilités des personnes vivant avec le VIH. Cette déclaration a pour objectifs de reconnaître la contribution positive des PVVIH à la société québécoise de même que l’importance d’éduquer, de sensibiliser et d’informer la population quant aux réalités vécues par les PVVIH. Cette déclaration vise aussi à réaffirmer que les PVVIH ont les mêmes droits et responsabilités que l’ensemble des citoyens et que la stigmatisation et la discrimination nuisent gravement à la prévention du VIH, à l’état de santé de la population en général et à la qualité de vie des PVVIH. Cette déclaration veut également rappeler que le respect des droits fondamentaux favorise toujours l’exercice des responsabilités.

DROITS

Nous déclarons que nous sommes toutes et tous égaux et que les PVVIH ont les mêmes droits que l’ensemble de la population québécoise. Ces droits s’expriment plus particulièrement de la façon suivante :

ARTICLE 1 : Chaque PVVIH a droit à des soins et services spécifiques à sa condition.

L’accès à ces soins et services doit être complet, universel, tout en tenant compte des déterminants de la santé. L’accès à ces soins et services comprend le soutien psychologique et les traitements alternatifs.

ARTICLE 2 : Chaque PVVIH a droit à des soins et services adaptés, qui tiennent notamment compte de son genre, son orientation sexuelle, son origine ethnique et son appartenance aux peuples des premières nations ou au peuple inuit.

ARTICLE 3 : Chaque PVVIH a droit à un protocole de soins et services conformes aux lignes directrices courantes et reconnues en matière de VIH/sida. Ce droit inclut la possibilité de participer activement à l’élaboration de ses propres soins, ainsi que la possibilité de choisir le refus de traitement, et ce, sans préjudice aux suivis médicaux. Ce protocole comprend les soins et services requis pour combattre les effets secondaires indésirables de sa médication.

ARTICLE 4 : Chaque PVVIH a droit à l’impartialité des institutions judiciaires. Ce droit garantit des décisions judiciaires basées sur des données scientifiques probantes et reconnues, plutôt que sur des préjugés ou des informations incomplètes ou dépassées.

ARTICLE 5 : Chaque PVVIH a droit à la sauvegarde de sa vie privée, de son honneur et de sa réputation. Ce droit comprend le respect de la confidentialité de son statut sérologique dans toutes les sphères de sa vie, garantissant le respect de ses droits sans qu’il n’ait, pour cela, à mentir quant à son statut sérologique.

ARTICLE 6 : Chaque PVVIH a le droit de choisir les personnes à qui elle dévoile son statut sérologique, ainsi que les conditions dans lesquelles elle procède au dévoilement.

ARTICLE 7 : Chaque PVVIH a le droit au travail et à l’éducation, notamment via des accommodements raisonnables. Ce droit au travail, de même que l’accès aux programmes d’aide financière aux personnes et de retour au travail, doit tenir compte du caractère épisodique du VIH/sida.

ARTICLE 8 : Chaque PVVIH a droit à une vie professionnelle satisfaisante, que son seul statut sérologique ne pourrait restreindre.

ARTICLE 9 : Chaque PVVIH a le droit de poursuivre une vie sociale et affective épanouissante, ainsi que de fonder une famille, sans que son seul statut sérologique ne l’entrave.

RESPONSABILITÉS

Nous déclarons que les PVVIH ont les mêmes responsabilités que l’ensemble de la population québécoise. Ces responsabilités s’expriment plus particulièrement de la façon suivante :

ARTICLE 10 : Chaque PVVIH a la responsabilité de participer activement à la vie citoyenne.

ARTICLE 11 : Chaque PVVIH a la responsabilité de ne pas transmettre intentionnellement ou par insouciance le VIH.

ARTICLE 12 : Chaque PVVIH a la responsabilité d’être solidaire avec la communauté des PVVIH dans toute sa diversité.

ARTICLE 13 : Chaque PVVIH a la responsabilité d’être solidaire avec toute personne touchée par la discrimination, que celle-ci soit basée sur le statut sérologique ou sur tout autre motif.

ARTICLE 14 : Chaque PVVIH a la responsabilité de contribuer à combattre les préjugés, la stigmatisation et la banalisation reliés au VIH/sida.

ARTICLE 15 : Chaque PVVIH a la responsabilité de contribuer à combattre et à dénoncer les violations des droits et les comportements discriminatoires.

ARTICLE 16 : Chaque PVVIH a la responsabilité de participer aux choix de traitements les mieux adaptés à sa réalité.

MIGRATIONS INTERNATIONALES

Nous déclarons que les droits et responsabilités des PVVIH sont attachés à la personne plutôt qu’à un territoire. En conséquence, nous revendiquons que les principes suivants soient respectés au niveau international et que tous les gouvernements s’y engagent :

ARTICLE 17 : La libre circulation des PVVIH, à l’instar de celle de leurs concitoyens, devrait être reconnue partout dans le monde.

ARTICLE 18 : Le statut sérologique ne devrait pas justifier en soi l’imposition d’obstacles particuliers dans l’accès à l’immigration.

ARTICLE 19 : L’expulsion de personnes hors des frontières d’un pays ne devrait pas être justifiée par leur seul statut sérologique.

DISPOSITIONS FINALES

Nous invitons chaque membre de la population québécoise à participer activement à résoudre les difficultés générées par la pandémie du VIH sida au Québec en faisant les choix suivants :

  • Défendre les droits de chacun, et refuser la discrimination et la stigmatisation
  • Promouvoir l’éducation et l’information, et combattre l’ignorance.
  • Favoriser la solidarité et l’inclusion, et combattre le rejet et l’abandon.
  • Résister à la banalisation et combattre les préjugés
  • Persévérer et refuser le fatalisme.

Appuyer cette déclaration

Que vous soyez séropositif ou séronégatif, il est possible de reconnaître cette déclaration en l’appuyant. Pour ce faire, la COCQ-SIDA vous invite à signer et ajouter votre nom à la liste des centaines de signataires.

CAMPAGNE DE COMMUNICATION « JE SUIS SÉROPO » (COCQ-SIDA)

Lancée le 1er décembre 2012 dans le cadre de la journée mondiale du Sida, des personnes vivant avec le VIH ont ajouté leur voix à celle de nos neufs personnalités québécoises pour souligner que « C’est le sida qu’il faut exclure pas les séropositifs » dans le cadre de la campagne « Je suis séropositif ».

« Je suis séropositif » présente le portrait de cinq personnes vivant avec le VIH/sida, provenant de différents milieux et régions du Québec et mettant en évidence, qu’au-delà du VIH, les personnes séropositives sont comme tout un chacun, avec des intérêts, des aptitudes et des talents. Rien ne les empêche d’avoir une vie bien remplie et de contribuer activement à la société sauf les préjugés !

Lutter contre les préjugés, c’est lutter contre le VIH/sida ! Parce que:

  • les préjugés concernant le VIH nuisent à l’adoption de pratiques sexuelles sécuritaires
  • la stigmatisation fait obstacle au dépistage
  • l’exclusion entrave la prise en charge médicale des personnes atteintes

Cette campagne s’inscrit dans la volonté de l’ensemble du mouvement communautaire québécois de lutte contre le VIH/sida de favoriser un climat social propice au dévoilement de la séropositivité. Elle a été réalisée par la COCQ-SIDA.

L’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL

Avant

Afin de permettre une prise de décision éclairée quant à la participation à une telle campagne, l’ensemble des outils de réflexion stratégique sur la campagne a été mis à disposition des personnes témoins approchées pour le rôle de porte-parole. Des échanges et rencontres avec l’équipe de travail ont également permis de faciliter la réflexion quant à cette décision très personnelle, dans un sens ou dans l’autre.

À tout moment, les porte-parole avaient la complète latitude pour se retirer du projet, pour quelque raison que ce soit. Cinq personnes vivant avec le VIH au Québec, d’horizons divers (4 hommes et 1 femme ; en provenance de Gatineau, Montréal, Québec et Victoriaville ; âgés de la mi-vingtaine à la fin soixantaine ; aux occupations ou activités professionnelles diverses ; etc.) ont accepté de prendre l’affiche de cette campagne : conférences de presse à travers la province, affichettes, signets, napperons, annonces dans la presse, affichages divers, entrevues avec les médias (radio, TV, presse), capsules vidéo et blogue sur le web, bannières web, etc.

Préparation du matériel de la campagne :

  • Le rôle et l’implication de chacun des porte-parole dans la préparation des outils de la campagne ont été essentiels : prise de vue, choix de la photo, choix des textes, élaboration du témoignage vidéo, etc. L’ensemble du processus s’est fait en complète collaboration avec chacun d’eux.

Accompagnement individualisé des porte-parole :

  • Le témoignage médiatique peut avoir plusieurs conséquences sur la personne, mais également sur son entourage. C’est pourquoi chacun des porte-parole a fait l’objet d’un accompagnement spécifique et personnel, en fonction notamment de son niveau d’expérience en matière de témoignage médiatique.
  • Une formation « comment parler aux médias », adaptée aux particularités de cette prise de parole, a été élaborée en collaboration avec une firme-conseil en relation publique et offerte individuellement à chacun des porte-parole.
  • Des messages-clés, ainsi que des questions/réponses en vue des entrevues avec les médias, ont été préparés, en ayant bien soin d’offrir aux porte-parole la possibilité de ne pas répondre aux questions qui pouvaient les indisposer (vie privée, informations confidentielles, etc.).

De plus, l’équipe de travail était disponible à tout moment, pour toute précision concernant la campagne elle-même et pour toute discussion.

Pendant

Intervenant disponible en tout temps pendant la campagne. De la préparation, lors de son lancement à l’occasion de conférences de presse et à tout moment après celui-ci, un intervenant communautaire VIH/sida d’expérience en matière d’accompagnement au témoignage était disponible pour chacun des porte-parole.

En plus de cette ressource, la journée même du lancement, un spécialiste en relation publique accompagnait chacun des porte-parole, ainsi que le représentant d’un organisme-membre de la COCQ-SIDA habilité à répondre à toute question en lien avec la campagne, mais également aux questions non directement reliées (données statistiques, état du droit en matière de confidentialité du statut sérologique, criminalisation du risque d’exposition au VIH, etc.).

Après

La COCQ-SIDA et ses membres ont exprimé et expriment régulièrement – notamment à travers les médias sociaux – leur reconnaissance aux 5 porte-parole de la campagne, pour la qualité de leur prise de parole et pour leur engagement au sein de la communauté. Elle réfléchit également à des activités où l’expérience des porte-parole serait mise à profit pour mobiliser d’autres personnes vivant avec le VIH sur le thème de la campagne.

D’après leurs commentaires, les porte-parole, semblent avoir bien apprécié l’accompagnement offert tout au long de la préparation et du lancement de la campagne. L’expérience avec les médias n’a pas toujours été à la hauteur de leurs attentes, mais cela tenait plus au traitement accordé par les médias qu’à la préparation du témoignage lui-même.

LES DÉFIS RENCONTRÉS

Avec les personnes témoins ?

  • Encadrer au mieux, tout en demeurant ouvert à ce que chacun des porte-parole a de spécifique à transmettre.
  • Assurer la cohérence de la campagne tout en respectant la personnalité propre de chacun des porte-parole.
  • Gérer les différents niveaux d’expérience du témoignage média de chacun des porte-parole. Les outiller et les accompagner au mieux en fonction de leurs besoins propres.
  • S’assurer que les porte-parole aient une expérience satisfaisante tout au long du processus : séance photo, préparation et tournage vidéo, choix des textes, préparation aux entrevues médias, expérience avec les médias, visibilité média et web, etc.

Avec les médias ?

  • S’assurer d’être préparés au mieux à faire face à tout « dérapage », que ce soit dans les médias ou sur le web. Nous n’avons pas eu à gérer de telles situations, la campagne ayant reçu un très bel accueil.
  • Il est difficile de mobiliser les médias des grandes villes – Montréal et Québec – autour du témoignage public de personnes vivant avec le VIH, dans un contexte d’actualités chargées. Au contraire des médias en région pour lesquels la sortie publique de personnes séropositives constitue une « nouvelle » en soi.

RESPECTER LA DIGNITÉ DE L’INDIVIDU DANS LA DÉMARCHE D’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL AU TÉMOIGNAGE C’EST…
Être à l’écoute de la personne témoin et s’assurer qu’elle puisse prendre une décision éclairée quant au fait de témoigner ou non.

Enjeux éthiques et de solidarité :

  • Il est essentiel de donner une voix aux personnes vivant avec le VIH/sida, comme citoyens à part entière, avec des carrières, des familles, des amis – comme tout le monde! La prise de parole de quelques précurseurs permettra probablement d’inspirer d’autres personnes séropositives, si ce n’est à s’afficher du moins à s’engager, et de favoriser le changement des perceptions sociales à l’égard des personnes séropositives au sein du grand public.
  • Il faut toujours être vigilant et ne pas tenir pour acquis qu’une personne témoin qui accepte de témoigner une fois le fera toujours.

LISTE DE TÉMOIGNAGES EXEMPLAIRES

Vous pouvez consulter des témoignages vibrant ici.