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Coproduire éthiquement, des exemples pratiques…

SOUTIEN AU TOURNAGE DU DOCUMENTAIRE HOMMES À LOUER (RÉZO)

L’organisme

RÉZO – Santé et mieux être des hommes gais et bisexuels
www.rezosante.org
coordinationtds@rezosante.org

Public ciblé

Les travailleurs du sexe de Montréal qui ont partagé leur expérience en entrevue devant la caméra, une fois par mois pendant 12 mois.

État du projet

Terminé. Le film Hommes à louer (2008) est disponible à l’Office national du film.

L’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL

Avant

Le réalisateur a approché l’équipe d’intervention, leur a présenté son projet de film. Il a pris en compte leur expertise. L’équipe s’est assurée des intentions du réalisateur : l’approche utilisée sera-t-elle respectueuse des réalités des personnes témoins ? Le documentaire a-t-il une visée sensationnaliste ?

Le réalisateur et l’équipe ont rédigé le contrat d’engagement des futurs participants ensemble. Certaines clauses ont été ajoutées au contrat initial :

  • droit de regard de l’équipe et des participants sur le montage
  • droit des participants de se retirer en tout temps et destruction du témoignage de ceux qui se retirent du projet
  • préserver l’anonymat des participants qui le demandent, par des prises de vue qui ne dévoilent pas l’identité par exemple
  • éviter de filmer si les participants sont trop affectés par leur consommation
  • tourner dans un local distinct, pour bien différencier les lieux de services du programme Travailleurs du sexe de l’organisme de ceux du projet de documentaire.

Au moment du recrutement, l’équipe d’intervention informe les participants potentiels de l’existence du projet, des avantages et des risques reliés à la participation, et elle fixe les rendez-vous avec le réalisateur.

L’équipe fixe les rendez-vous pour les séances mensuelles d’enregistrement vidéo des témoignages, rappelle les rendez-vous et motive la participation.

Pendant

L’équipe d’intervention discute de l’expérience du tournage avec les participants et leur offre, au besoin, un soutien psychosocial.

L’équipe d’intervention enrichit le travail du réalisateur en l’aidant à mieux comprendre les attitudes et les actions des participants, en partageant des techniques d’intervention et offrant des nouvelles quant aux situations plus difficiles. Ensemble, les intervenant.e.s et le réalisateur réfléchissent sur le processus du tournage et l’expérience des participants au film documentaire.

Après

Immédiatement après le témoignage, l’équipe d’intervention écoute les personnes témoins lorsqu’elles ont envie de ventiler, de s’exprimer, de faire le point, etc. Les participants du film sont parfois bouleversés. Certains, quand ils « dégèlent », regrettent d’avoir trop parlé.

Deux ans plus tard, une fois le film terminé, les intervenants offrent toujours du soutien aux participants. Certains vivent un choc en réalisant que leur cycle de vie sur 12 mois n’a pas changé depuis le début du tournage.

Lors des projections du film en première ou dans le cadre d’un festival, les participants sont invités à être présents dans la salle du cinéma et à prendre la parole aux côtés du réalisateur pour partager leurs expériences avec le public. Des participants ont dit que leur estime d’eux-mêmes s’en trouve augmentée et qu’ils se sentent valorisés. Cette tribune permet aussi à l’organisme de faire de la sensibilisation quant au vécu des travailleurs du sexe à Montréal.

LES DÉFIS RENCONTRÉS

Avec les médias ?

Des participants au film ont accepté de donner des entrevues aux médias pour faire la promotion du film. Des intervenant.e.s de l’organisme ont été présents à chacune des entrevues pour soutenir les participants et pour s’assurer que les journalistes médias aient un comportement éthique à leur endroit : c’est-à-dire qu’ils ne versent pas dans le sensationnalisme, l’opportuniste ou la généralisation.

Avec les personnes témoins ?

Les participants ont acquis du pouvoir sur leur vie et ont développé un intérêt pour la réalisation cinématographique en même temps qu’ils ont été confrontés à des prises de conscience parfois très difficiles concernant « le cercle vicieux » de leur mode de vie.

En visionnant le documentaire Hommes à louer certains participants regrettent qu’une partie de leur vie soit ainsi publiquement exposée.

Respecter la dignité de l’individu dans la démarche d’accompagnement social au témoignage c’est…

  • Prendre le temps, avant chaque témoignage, de réaliser une réflexion approfondie avec la personne témoin au sujet des répercussions possibles de cette expérience. On l’amène à se projeter dans l’avenir : Comment la
    personne va-t-elle vivre sa vie après avoir fait un témoignage public ? Et si sa situation change, pourra-t-elle
    vivre encore avec le témoignage ? Quelles seront les répercussions du témoignage sur sa situation d’emploi, sur
    ses enfants, sa vie de couple, sa famille élargie ?
  • Être disponible avant, pendant et après le témoignage auprès de la personne témoin afin de lui offrir un soutien. Son témoignage devrait être pour elle-même en premier lieu. Par la suite, le témoignage est motivé par un désir
    de le partager au public.
  • Donner à la personne témoin la possibilité de se retirer du processus à n’importe quel moment et ce sans répercussion. Le témoignage doit être un choix libre sans contraintes et sans ingérences.

Enjeux éthiques et de solidarité

  • La compensation financière offerte aux participants en échange de leur témoignage biaise-t-elle leur motivation à participer au film ? Après réflexions, l’équipe d’intervention a jugé que les personnes témoins allaient aussi perdre
    des revenus en prenant du temps pour participer au tournage. De plus, au fil du temps, les intervenant.e.s ont
    remarqué que certains participants se sont retirés du projet, laissant croire que la motivation suscitée par la
    compensation financière n’était pas si importante. Ceci dit, la compensation financière représente une forme de
    reconnaissance de l’expertise humaine, du vécu partagé dans le témoignage, et ce faisant, elle n’est pas le
    principal incitatif. La compensation devrait donc demeurer symbolique afin que la participation repose sur d’autres
    motivations.
  • Soutenir les personnes témoins tout au long du processus et même par la suite a constitué un défi important.