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Une culture du témoignage existe chez les personnes séropositives depuis les débuts de la pandémie du VIH/sida. Les usages et les pratiques du témoignage sont nombreux et la définition du témoignage ne fait pas l’unanimité à travers les différents groupes et organismes. Le témoignage est utilisé dans plusieurs optiques et pour des motifs de sensibilisation à la diversité, d’éducation à l’inclusion, de provocation et de changement social.

Défis : Forces et limites du témoignage pour les personnes vivant avec le VIH/sida

Le témoignage des personnes vivant avec le VIH permet de mettre un visage humain sur une problématique sociale – il vient toucher les gens. En mettant son histoire personnelle sur la place publique, on permet d’amorcer un dialogue qui favorise la sensibilisation des publics, y compris diverses instances politiques. L’effet rassembleur du témoignage peut inciter ainsi à une plus grande solidarité communautaire. Toutefois, le témoignage médiatisé a tendance à simplifier les problèmes vécus par les personnes et la complexité de leurs expériences. Si les médias cherchent des personnes témoin attendrissantes, cela ne tient pas compte du fait que celles-ci ne peuvent pas être représentatives de la problématique globale et cela tend à créer un discours uniformisé ou réducteur.

Aussi, au Canada, les personnes vivant avec le VIH peuvent s’exposer à des poursuites criminelles si elles ne divulguent pas leur séropositivité à leurs partenaires sexuels. Le raffermissement de la juridisation relative au VIH constitue un autre défi important associé à l’usage du témoignage pour les personnes séropositives. Dans ce contexte, il faut y penser deux fois avant de livrer certains éléments de son témoignage qui pourraient avoir des conséquences judiciaires importantes.

Pratique : Campagne de communication « Je suis séropo » de la COCQ-SIDA

Lancée le 1er décembre 2012 à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, cette campagne audacieuse présente le portrait de cinq personnes vivant avec le VIH/sida, alors âgés entre 20 et 70 ans et provenant de différentes régions du Québec. La campagne vise à démontrer que les personnes séropositives sont comme tout le monde et qu’elles ont un rôle à jouer au sein de la collectivité. L’outil de communication privilégié est la capsule web où chacun des porte-paroles s’exprime sur le thème de la campagne, « C’est le VIH qu’il faut exclure, pas les séropositifs ». Plusieurs stratégies intéressantes ont été utilisées pendant le développement de la campagne. Les porte-paroles ont joué un rôle majeur dans la création des outils et dans le déroulement des conférences de presse. À partir de leur prise de décision de participer ou non à la campagne jusqu’à l’étape de rétroaction sur leur expérience, chaque porte-parole a bénéficié d’un accompagnement individualisé par la COCQ-SIDA. Cet accompagnement comprenait entre autres une formation sur « Comment parler aux médias », offerte par une firme-conseil en relation publique. De cette initiative est née la communauté des personnes séropositives qui, en plus des 5 porte-paroles, compte aujourd’hui une douzaine de personnes affirmant publiquement que « C’est le VIH qu’il faut exclure, pas les séropositifs ».


Recherches-actions antérieures
VIHSIBILITÉ IV. « Partenariat visant l’évaluation de l’impact des témoignages des personnes vivant avec le VIH/sida » (2014-2016) 

Le témoignage public est une stratégie d’intervention très utilisée afin de lutter contre la discrimination et faire connaître la réalité des personnes vivant avec le VIH [PVVIH]. Néanmoins, il est parfois difficile de bien saisir toutes les retombées du témoignage. Est-ce que le message a été compris ? Est-ce qu’il sera relayé dans la société ? Est-ce que le témoignage aura des retombées positives à court, moyen ou long terme pour la personne témoin, le public immédiat du témoignage, la société dans son ensemble ? Toutes ces questions, et bien d’autres, ont été débattues lors de l’élaboration d’outils d’évaluation pour mieux saisir l’impact social des pratiques de témoignage public. Le partenariat pour ces travaux a rassemblé des personnes témoins, des chercheur.es (UQAM, Concordia, Cégep régional de Lanaudière à Terrebonne, Centre for Addiction and Mental Health) et plusieurs organismes communautaires (GRIS- Montréal, BLITS, GAP-VIES, MIELS-Québec, MAINS Bas St-Laurent et AQPSUD).

VIHSIBILITÉ III : « L’accompagnement social au témoignage public des personnes vivant avec le VIH/Sida : une démarche éthique et solidaire » (2011-2013)

Ce projet d’éducation et de transfert des connaissances visait à soutenir les PVVIH qui désirent témoigner publiquement de leur séropositivité et à outiller les gens qui les accompagnent dans cette démarche. Un repérage de pratiques de coproduction du témoignage public utilisées dans différents organismes communautaires à travers le Québec a mené à la publication du Porte-voix. Parallèlement, plus de 200 personnes ont été formées à l’accompagnement éthique et solidaire lors d’une tournée à travers la province.

VIHSIBILITÉ II : « Étude de la culture du témoignage des femmes et des hommes vivant avec le VIH/sida dans les médias » (2008-2011) 

Cette recherche-action a porté sur le phénomène des femmes et des hommes vivant avec le VIH/sida qui témoignent publiquement de leur expérience dans les médias et à travers l’expression artistique. La recherche a permis de réaliser des entretiens individuels sur l’expérience du témoignage, la production et la diffusion d’une première compilation de témoignages vidéo en format DVD ainsi que la tenue d’une journée d’étude réunissant des PVVIH ainsi que des représentant·es de différents milieux (communautaire, institutionnel, médiatique, artistique) afin de réfléchir ensemble aux conditions de production et de réception du témoignage. 

VIHSIBILITÉ I : « Analyse comparative de la visibilité des femmes et des hommes vivant avec le VIH/sida dans le discours des médias au Québec de 1982 à 2004 » (2005-2008) 

Cette recherche-action s’est attardée à saisir l’évolution du discours de la presse écrite depuis 1982 au Québec, à comparer la visibilité des hommes dans ce discours à celle des femmes, et à explorer les façons dont les acteurs sociaux engagés dans la lutte contre le VIH/sida interprètent et négocient les messages véhiculés. Une journée d’étude a été réalisée pour approfondir la réflexion et ouvrir le débat sur la visibilité médiatique des PVVIH dans la presse écrite québécoise. En 2008, les résultats du projet ont été présentés dans un article publié dans la revue AIDS Care ainsi qu’à l’émission Macadam Tribus de Radio-Canada.