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Les personnes lesbiennes, gaies et bisexuelles ont obtenu une égalité juridique avec le reste de la population au Québec et au Canada, mais il reste encore du chemin à faire. Les préjugés et la stigmatisation sont encore présents. Et si la criminalisation des personnes de minorités sexuelles ou de genres n’est plus effective au Canada, elle est encore présente dans de nombreux pays. Face à ces réalités, les personnes s’identifiant à une minorité sexuelle ou de genre, ici et ailleurs dans le monde, utilisent le témoignage dans des buts de démystification, d’éducation, de sensibilisation, de luttes politiques et de justice sociale. Toutefois, les usages et les pratiques du témoignage sont multiples et la définition du témoignage ne fait pas l’unanimité à travers les différents groupes et organismes.

Comité de travail

Le comité de travail sur le témoignage des minorités sexuelles et de genres s’intéresse particulièrement aux questions qui touchent l’inclusion et les politiques identitaires. Par exemple, une question clé portée par les membres de ce comité est la suivante : qui a la possibilité d’aller témoigner? Cette question soulève plusieurs enjeux intracommunautaires puisqu’il y a des groupes qui sont plus facilement acceptés par ladite « communauté LGBT » que d’autres. Le comité s’intéresse aussi à la dimension politique du témoignage : est-ce que le témoignage peut approfondir la démocratie? Quels sont les enjeux spécifiques aux transidentités? Qu’apporte une perspective anticapitaliste? Comment les personnes intersexes tentent-elles de s’affranchir du contrôle médical?

Les formes de témoignages et les défis liés au fait de se dire publiquement

Plusieurs groupes communautaires qui rejoignent les personnes s’identifiant à une minorité sexuelle ou de genre ont participé à des discussions dans le cadre des activités du projet Cultures du témoignage, notamment lors d’une rencontre consultative ainsi que lors d’une journée d’étude réalisée en 2012. Ces discussions ont porté sur les divers objectifs et expériences de témoignage ainsi que sur ses conditions de production. Une comparaison des différents usages et pratiques du témoignage faisait partie des points majeurs qui ont été abordés.

Lors de ces discussions, les participants ont noté qu’une très grande diversité de formes de témoignage peut être répertoriée (zines, essais, poésie, blogues ; à l’oral, à l’écrit, numérisé, etc.). Cette pluralité de médias permet d’amplifier les voix de ceux et celles qui n’ont pas accès à des espaces institutionnalisés ou qui demeurent invisibles dans l’espace public. On a constaté aussi que lorsque le témoignage est livré en direct devant un groupe, la personne témoin a le sentiment d’avoir un plus grand contrôle sur le message véhiculé que lorsqu’elle livre un témoignage dans l’engrenage d’un média de masse.

Par ailleurs, les usages, la diffusion et les impacts perçus du témoignage ne sont pas uniformes à travers différents groupes. Les voix trans et queer, par exemple, restent toujours relativement invisibles et les voix intersexes commencent tout juste à émerger. Le format et le contenu des témoignages diffèrent également en fonction des philosophies des personnes et des groupes qui les produisent (les témoignages dans des ateliers de démystification en milieu scolaire, les témoignages accompagnant une action politique, etc.). Le témoignage peut avoir une forme plutôt personnelle, plus distanciée ou théorique.

Les voix de l’inclusion

L’usage du témoignage comme stratégie d’intervention sociale et culturelle soulève de multiples enjeux en rapport avec des questions d’inclusion et d’exclusion sociale. Qui peut parler (et qui n’est pas entendu)? Qui est « nous » et qui est « je »? Qui passe mieux socialement? Comment faire pour démystifier la diversité sexuelle et de genre sans renforcer les préjugés?

Les pratiques de témoignage suivent une forte tendance à se conformer à la norme pour se rendre intelligible. Malheureusement, il existe souvent un découpage problématique entre les « bonnes » et les « mauvaises » personnes témoins. Ainsi, certaines personnes peuvent avoir l’impression de ne pas pouvoir participer à des activités de témoignage car leurs styles ou leurs réponses ne cadrent pas dans le format attendu. S’il y a des personnes qui sont exclues et qui ne témoignent pas, il est possible qu’on ne puisse pas démystifier leur réalité et ainsi diminuer les préjugés. L’exploration de ces enjeux complexes est au cœur des réflexions actuellement en cours au sein du projet Cultures du témoignage.